En 1984, des centaines de milliers de Français descendirent dans la rue pour défendre la liberté d'enseignement. Cette liberté qu'Alain Savary voulait réduire à néant, conformément aux intentions de François Mitterrand, par l’instauration d’un service public unique d’éducation.
Éditos et analysesUn observatoire indépendant pour la liberté d’enseignement

Le gouvernement a reculé ! Chevènement remplaçait Savary dans la foulée, pour trouver un compromis historique : l’école libre ne chercherait pas à prendre plus d’élèves à l’école publique qu’elle n’en avait en 1984. Le paysage correspondait alors à 20 % d’enfants scolarisés dans le privé, contre 80 % dans le public. Et il aurait ainsi vocation à être figé dans le marbre…
Oui. Pour éviter la guerre scolaire, l’Etat a accepté de ne pas nationaliser les écoles libres et d’en respecter le caractère propre, tel que défini par la loi Debré de 1959. En contrepartie, les têtes de réseau d’écoles libres, à commencer par l’Enseignement catholique, acceptent de ne pas demander autant de postes budgétaires que ce qu’il faudrait pour répondre à la demande des familles. Et de se laisser cantonner à 20 % des effectifs scolarisés. Bref, l’Enseignement catholique consent en fait à se laisser endiguer, et à n’être missionnaire qu’à l’intérieur du périmètre stabilisé de ses propres établissements.
Depuis cette victoire de la liberté face au désir d’un règne sans partage de l’école publique et laïque, porté traditionnellement par le parti communiste et la gauche française, les tenants de la liberté d’enseignement se sont largement démobilisés. L’Eglise catholique gère son réseau et parle peu de la liberté d’enseignement en tant que telle. Elle est mal à l’aise quand on évoque devant elle la question des écoles musulmanes. La droite française, elle, défend ponctuellement la liberté lorsqu’elle est attaquée, mais se garde bien de faire une place significative au développement des écoles libres dans son programme ou dans sa vision politique. La peur de l’essor des écoles musulmanes semble la paralyser. Par crainte de devoir accorder aux écoles musulmanes séparatistes les mêmes droits que ceux accordés à l’école libre catholique ou aconfessionnelle, elle préfère se résoudre à une politique de dissuasion et d’endiguement des écoles libres, tout en scolarisant en parfaite hypocrisie ses propres enfants dans les écoles privées.
A gauche, les hypocrites ne manquent pas non plus. Ils haïssent l’école libre supposée être l’école des riches, du refus du métissage religieux, social, ethnique et culturel, mais ils y scolarisent discrètement leurs enfants. Toute honte bue !
Côté recherche enfin, les études sur l’école libres sont rares depuis dix ans. C’est plutôt l’essor des écoles libres hors contrat qui interroge et intéresse, mais les équilibres subtils de l’école libre sous contrat ne donnent lieu ni à des colloques ni à des travaux de recherche importants.
C’est dans ce contexte que nous avons décidé de créer un Observatoire de la liberté d’enseignement accessible ici :
https ://www.creer-son-ecole.
C’est aussi pour relancer la pensée, aussi, qu’est organisé le 9 mars prochain par la Fondation Kairos un colloque universitaire de droit rassemblant les plus grands professeurs à l’Institut de France.
Alors que le besoin d’adapter l’éducation aux enfants et de diversifier l’offre scolaire se fait sentir de manière toujours plus évidente, la liberté d’enseignement redevient une liberté dont se saisit la société civile, même si les dirigeants sont plus que réservés quant au désir d’implication des parents et de la société civile dans l’éducation et dans la création de nouvelles écoles libres en phase avec les attentes sociales. Mais jusqu’à quand ?
Axelle Girard, directrice
Anne Coffinier, présidente