« Peut-on parler des religions à l’école ? », d’Isabelle Saint-Martin, Albin Michel, 224 pages, 18 euros.
LES CHEMINS DE LA PENSEEL’approche du fait religieux par les arts, pour parler religion à l’école.

Livre. A la question que pose le titre de son livre, Isabelle Saint-Martin répond plusieurs fois oui. Non seulement, « on peut » parler des religions à l’école, mais il le faut, c’est déjà le cas de diverses façons et cela peut être amélioré en recourant à la médiation par les œuvres d’art. Si cette proposition est la conclusion de son ouvrage, celle-ci n’arrive pas comme une lubie finale, mais au terme d’un historique détaillé et d’un état des lieux très complet sur les rapports entre l’école et les religions.
A qui veut savoir « où l’on en est » sur ce sujet, ce livre apporte des réponses fondées à la fois sur la réflexion et l’engagement, puisque son auteure a été, de 2011 à 2018, directrice de l’Institut européen en sciences des religions, organisme créé en 2002 dans le sillage du rapport sur « L’enseignement du fait religieux dans l’école laïque », réalisé par Régis Debray à la demande de Jack Lang, alors ministre de l’éducation, au lendemain du 11 septembre 2001.
Une culture commune
On ne saurait mieux rappeler le potentiel polémique d’une telle thématique, que le concept de « fait religieux » vise justement à désamorcer en plaçant au premier plan la connaissance, commune à tous, et en la distinguant de la croyance, affaire personnelle ou communautaire. N’étant pas une « matière » délimitée, n’ayant pas d’horaire dédié ni de professeurs spécialisés, cet enseignement a pris à tort la réputation d’être un « serpent de mer », régulièrement promu puis oublié.
L’ouvrage fait justice de ce préjugé : échappant pour l’essentiel aux aléas des alternances de politiques éducatives, l’enseignement du fait religieux a fait son chemin dans les programmes et les pratiques scolaires, même s’il est encore tributaire des circonstances locales et des engagements des professeurs et des équipes éducatives. Il ne peut être traité que de manière transversale, soit au sein de disciplines existantes – histoire, littérature, enseignement moral et civique, éducation artistique et musicale… –, soit à l’occasion de projets pédagogiques interdisciplinaires, capables par exemple de marier l’étude des mythes anciens à l’histoire des sciences.
L’approche par les arts permet de juger, d’admirer et de comprendre sans être sommé d’adhérer
Dans tous les cas, ce qui est enseigné n’est pas ce qui est spécifique à chacun – encore moins à telle classe en fonction de sa composition ethnique –, mais ce qui relève d’une culture commune. « Pour le dire clairement, plaide Isabelle Saint-Martin, il n’est pas nécessaire d’être musulman pour s’intéresser à l’islam d’hier à aujourd’hui, d’être chrétien pour commenter le sens de la rédemption dans Les Misérables, ou d’être juif pour savoir qui est Moïse. » Loin d’être des accessoires destinés à « ornementer » le propos scolaire sur les religions, les œuvres sont une manière d’aborder les faits religieux. Ainsi, à travers leur inscription dans le sensible, on évite de les réduire à des considérations historiques et sociales par ailleurs légitimes. L’approche par les arts permet de juger, d’admirer et de comprendre sans être sommé d’adhérer. C’est « un dépassement qui ouvre à l’altérité », soit l’idéal même de ce que la culture scolaire se propose de faire.
Source : lemonde.fr, “L’approche du fait religieux par les arts, pour parler religion à l’école”, de Luc Cédelle, paru le 24/12/2019. https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/12/24/l-approche-du-fait-religieux-par-les-arts-pour-parler-religion-a-l-ecole_6023929_3232.html