"Le numérique pour l'éducation n'a pas été pris très au sérieux avec des messages politiques mettant plutôt en avant les discours autour du danger des écrans et des problématiques de données personnelles. Il ne faut pas voir que ça, d'ailleurs quand on parlait de l'utilisation du numérique comme un facteur d'isolement, on voit bien aujourd'hui qu'il est un vrai facteur de socialisation. »
Apprivoiser les écrans ?“Confinement et éducation : “L’autonomie est le point central de la difficulté “”

Le laboratoire Techné (Technologie numérique pour l’éducation) de l’université de Poitiers est composé d’une quinzaine de chercheurs qui s’est tout de suite mise au travail pour suivre la problématique de la continuité pédagogique pendant la période de confinement que nous vivons actuellement. « Cela conduira à un travail de thèse qui pourrait éclairer la modification de l’environnement pédagogique à l’avenir », explique le directeur de Techné Jean-François Cerisier qui éclaire ici pour la NR la période actuelle de confinement à laquelle sont confrontés élèves et enseignants. (…)
Enseigner à distance
« On ne s’improvise pas enseignant à distance, c’est une pédagogie différente à laquelle les enseignants n’ont pas été formés. Ils ne sont pas armés pour ça et sont eux aussi isolés. Une chose est sûre, ils sont conscients de leur devoir et ils ont envie. J’imagine qu’il n’y en a pas beaucoup qui ne se soient pas relevé les manches. C’est un peu du bricolage mais là on invente, ce qui est important c’est qu’il se passe quelque chose. »
Les ressources
« L’éducation nationale n’est pas préparée à faire travailler 12 millions d’élèves et 2 millions d’étudiants à distance. Ma classe à la maison est par exemple un dispositif du Cned tout à fait intéressant. C’est une brique parmi d’autres et l’entraide et les échanges de pratiques entre enseignants sont particulièrement réjouissants. »
Compliqué pour les élèves
« Pour les élèves, la situation est très compliquée car elle réclame beaucoup d’autonomie qu’ils n’ont pas dans un système scolaire très cadré où on ne demande pas de prise d’initiative. L’autonomie plus que la distance est le point central de la difficulté. L’environnement social et matériel sera à prendre en compte quand on fera le bilan de cette période. »
Accompagnement
« Pour pouvoir apprendre avec le numérique il faut avoir appris à utiliser le numérique. Car il y a des compétences qu’on acquiert pas seulement par l’expérience, certaines doivent être acquises par un accompagnement. Il faudra reparler de l’apprentissage numérique à l’école en tenant compte de l’usage des équipements liés aux déterminants sociaux. »
Contacts difficiles
« On a des témoignages sur des enseignants qui ont des difficultés à contacter tous leurs élèves. Pas de numéro de téléphone, des familles qui parfois ne parlent pas français, ça passe par des contacts en cascade, c’est parfois rocambolesque. Maintenir le lien avec ceux qui ont des difficultés est le plus important mais c’est compliqué. Mobiliser les réseaux des maisons de quartier comme le fait aujourd’hui la ville de Poitiers est très intéressant. »
La télévision
« Pour l’information à distance, on a beaucoup focalisé ces dernières années sur le numérique mais il reste le digital, la radio, la télévision. Il y a aussi là une possibilité à saisir. Sur France 4, l’initiative est très saine. Quand on connaît l’attrait de la TV, ça doit être encouragé. Quand aux échanges postaux, ce n’est pas stupide du tout comme ce fut le cas à la création du Cned au début de la 2e guerre mondiale. »
Faire autrement
« Passer trois ou quatre semaines à faire autre chose, ça ne sera pas catastrophique. Peut-être que certains élèves vont apprendre autre chose. Il faut relativiser un peu les enjeux car la pression est déjà très forte. »
Source : centre-presse.fr, “Confinement et éducation : “L’autonomie est le point central de la difficulté “”, publié le 31/3/20 par Dominique Bordier. https ://www.centre-presse.fr/article-736987-confinement-et-education-l-autonomie-est-le-point-central-de-la-difficulte.html